RÉANIMATION CARDIORESPIRATOIRE – OBLIGATIONS DÉONTOLOGIQUES
Les infirmières sont souvent au premier plan lors de situations d’urgence, notamment au moment où une personne est victime d’un arrêt cardiorespiratoire. Au fil du temps, le Bureau du syndic a été amené à faire enquête relativement au comportement d’infirmières et, en particulier, à la non-intervention de leur part en pareil cas. Cette chronique met en lumière les obligations déontologiques de l’infirmière à partir d’exemples concrets.
Dans les établissements de santé, lorsqu’un client fait un arrêt cardiorespiratoire, la réanimation cardiorespiratoire (RCR) doit être effectuée à moins que le client exprime clairement son refus d’être réanimé. Dans ce cas, le Collège des médecins précise qu’une ordonnance de non-réanimation devrait être explicitement inscrite au dossier du client. En l’absence de telles indications, l’infirmière a l’obligation d’intervenir.
À titre de professionnelle de la santé, l’infirmière doit posséder les compétences nécessaires pour procéder à la RCR. Le Comité de discipline s’est déjà exprimé à ce sujet. Il écrit dans la décision Frigault que : « L’infirmière doit être en mesure de porter secours à autrui et les techniques de réanimation font partie des gestes qu’une infirmière doit être en mesure de faire; il s’agit là d’une technique de base et le public croit en la capacité de l’infirmière de porter secours et d’être efficace dans son intervention »1.
Étant donné que la RCR est une intervention d’urgence, elle exige aussi que l’infirmière agisse sans délai. Ainsi, l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers énonce :
L’infirmière ou l’infirmier ne doit pas faire preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués au client ou au sujet de recherche. Notamment, l’infirmière ou l’infirmier doit :
(1) intervenir promptement auprès du client lorsque l’état de santé de ce dernier l’exige. […]
Dans la décision Dorsainvil, le Comité de discipline mentionnait que, de façon concrète, intervenir promptement dans cette situation voulait dire « entrer dans la chambre, se rendre au chevet du patient, procéder à l’évaluation de ce dernier et prendre les opérations en charge, jusqu’à l’arrivée de l’équipe des soins intensifs, et non laisser deux préposés aux bénéficiaires se débrouiller seuls avec le patient »2. En situation d’urgence, lorsque son assistance est requise, l’infirmière doit intervenir, et ce, sans considération du fait qu’elle soit en pause ou encore qu’il s’agisse d’un client sous la responsabilité de quelqu’un d’autre.
Le Comité de discipline indiquait dans la décision Léonard « qu’un tel comportement ne peut être toléré, en ce que les patients et le public en général sont en droit de s’attendre à ce qu’une infirmière intervienne rapidement et adéquatement, lorsqu’une situation d’urgence l’exige » 3.
Pour que l’on soit en mesure d’effectuer une des premières étapes de la réanimation, c’est-à-dire une évaluation adéquate, la victime doit être dans une position qui le permet. À ce propos, le coroner Ferland précisait dans un rapport d’investigation que si la victime est pendue, elle doit être décrochée afin que les manœuvres de réanimation soient entreprises sans délai.
Enfin, rappelons que le principe de l’obligation de porter secours à quelqu’un dont la vie est en danger n’est pas limité au cadre d’une relation professionnelle avec un client, mais incombe à tout citoyen. À cet égard, la Charte des droits et libertés de la personne stipule à l’article 2 que « toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l’aide physique nécessaire et immédiate, à moins d’un risque pour elle ou pour les tiers, ou d’un autre motif raisonnable ».
Cette obligation a été intégrée au Code de déontologie des infirmières et infirmiers (art. 1), en raison de la position privilégiée que les infirmières occupent au sein du réseau de la santé et du degré de confiance que le public a envers la profession4.
Sylvie Truchon, syndic
1 Infirmières et infirmiers c. Frigault, C.D. Inf. 20-96-00129, 1997-10-07.
2 Infirmières et infirmiers c. Dorsainvil, C.D. Inf. 20-2006-00366, 2008-05-09.
3 Infirmières et infirmiers c. Léonard, C.D. Inf. 20-2006-00367, 2008-05-09.
FERLAND, Michel; Bureau du Coroner, Québec. Rapport d’investigation du coroner A-162128.
Charte des droits et libertés, L.R.Q., chapitre C-12, article 2.
Code de déontologie des infirmières et infirmiers, c. I-8, r. 4.1, articles 1 et 44.
COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC, Aldo-Québec. Édition 2010.
FONDATION DES MALADIES DU CŒUR DU CANADA. Soins immédiats en réanimation; À l’intention des professionnels de la santé. 2007.